vendredi 23 août 2013

Cauchemar Blanc, de Matthieu Kassovitz d'après Moebius

Le titre Cauchemar Blanc m'a longtemps intrigué, surtout venant de Moebius. Un cauchemar blanc, c'est quoi ? J'imaginais un monde blanc, à la THX-1138, au bord de l'abstrait. J'imaginais un récit à la poésie particulière, un jeu chromatique... puis je l'ai lu. A ma grande surprise, ce récit de Moebius trouvait sa particularité dans son réalisme le plus cru. Quatre Dupont-Lajoie partent à la chasse au bougnoule, un soir en banlieue. Ils repèrent leur proie, un Arabe en solex. Un coup de volant devrait suffire à lui régler son compte, sauf que...
Cauchemar Blanc représente sans doute la seule incursion du Maître dans la domaine du réalisme social. Loin des mondes exotiques auquel il nous avait habitué, il nous entraîne dans lun quartier HLM et  s'attaque à l'un des maux de notre société: la racisme ordinaire.

Cauchemar Blanc, Moebius 1975

Cette histoire serait née d'une indignation. En 1975, le ministère de l'intérieur français interdit la diffusion d'un court-métrage dénonçant les agressions racistes. La même année sortait au cinéma Dupont-Lajoie d'Yves Boisset, qui traite également de ce racisme ordinaire. Le cinéaste dut batailler contre la censure mais aussi contre des incidents orchestrés lors du tournage et de l'exploitation en salle par des mouvements d'extrême-droite. Face à ce climat tendu, Moebius décide de raconter,  sur le mode loufoque, une de ces ratonnades. Mais si le début du récit est drôle, sa conclusion laisse un goût amer. Le cauchemar est blanc mais l'humour est noir.
En 1991, 4 ans avant La Haine, Matthieu Kassovitz l'adapte sous forme d'un court-métrage avec Yvan Attal et Jean-Pierre Darroussin. Et 22 ans lus tard, en 2013, force est de constater que le propos reste toujours aussi brûlant.



lundi 12 août 2013

Frans Masereel, le pionnier oublié de la bande dessinée belge


La Belgique, patrie de bandes dessinées, est toujours prête à encenser Hergé, Franquin, Morris ou Peyo, véritables institutions culturelles. Elle souffre pourtant d'une schizophrénie très communautaire devant le peu d'importance accordé à Marc Sleen ou Willy Vandersteene, authentiques stars en Flandre mais méconnus en Wallonie. Puis il y a le cas de ce pionnier oublié par tous: Frans Masereel.
Ce peintre et graveur né à Blankenberghe en Belgique en 1889 et décédé en 1972, fut l'un pionnier dans l'art du récit dessiné. Les puristes jugeront sans doute que son art, celui des romans en image, que les américains dénomment aussi les woodcut novels, ne sont pas à proprement parler des bandes dessinées: pas de texte et des illustrations en pleine page qui limite le pouvoir magique de l'ellipse (cette fameuse case manquante montrant la chute de Haddock du haut de la passerelle de l'avion: elle n'existe pas mais nous l'imaginons tous naturellement). Et pourtant, raconter des histoires à l'aide d'images, n'est-ce pas l'essence de la bande dessinée ?
Il fut en son temps un artiste de renommée internationale, mais toujours mésestimé en Belgique. Il a collaboré à de nombreux journaux et illustré des monuments littéraires comme Thomas Mann (qui, en retour, était un grand admirateur de son travail), Emile Zola et Stefan Zweig. Il faut surtout un artiste engagé, à la conscience sociale affûtée. Dans un style expressionniste, il se faisait le témoin des vices de son époque. On peut lui reprocher une vision parfois caricaturale, mais c'est oublier qu'il visait aussi une forme d'universalité et voyait dans son travail une oeuvre qui pouvait, qui devait réveiller les consciences. Il s'adressait autant aux intellectuels progressistes qu'aux ouvriers. Son langage se devait d'être accessible à tous, mais riche de sens. A titre d'exemple, le site "new partisan" a mis en ligne l'intégralité d'un de ses livres les plus connus: La Ville. Je vous invite à y jeter un oeil. Il y propose une succession de scènes de vie d'une ville imaginaire, synthèse de toutes les mégapoles du début du XXème siècle.
Et si vous voulez en savoir plus sur cet auteur oublié, j'ai trouvé cette biographie intéressante.
Si ses livres ne sont plus guères disponibles en français, un petit tour sur amazon permet d'en trouver encore assez bien chez des éditeurs étrangers, à petit prix.